Les organismes génétiquement modifiés (OGM)

Le Jeudi 14 mars 2024

Les organismes génétiquement modifiés (OGM) : retrouvez des informations concernant leur définition, les différents domaines d'utilisation et leurs réglementations.

Actualités: Initiative législative autour des nouvelles techniques génomiques (NTG)

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), dans un arrêt rendu le 25 juillet 2018, a conclu que les produits issus des nouvelles techniques génomiques (NTG) sont des OGM et que la réglementation applicable aux OGM leur est par conséquent applicable. A la suite de cet arrêt, le Conseil de l'Union européenne a demandé à la Commission européenne de produire une étude concernant le statut de ces nouvelles techniques dans le droit de l'Union et, le cas échéant, une proposition législative pour tenir compte des résultats de cette étude.

 

L'étude de la Commission européenne, parue en avril 2021, présente des visions clivées sur la nécessité de maintenir ou non la réglementation actuelle relative aux OGM. Elle conclut cependant qu’il existe des indications fortes que celle-ci n’est pas adaptée à certaines NTG et leurs produits et qu’il est donc nécessaire d’adapter la réglementation actuelle au progrès scientifique et technique.

 

Après une pré-étude d’impact publiée en septembre 2021, une consultation du public organisée d’avril à juillet 2022 et une consultation ciblée adressée aux parties prenantes pendant l’été 2022, la Commission a publié, le 5 juillet 2023, un projet de règlement accompagné d'une étude d'impact. Le projet de règlement porte sur les plantes obtenues par des techniques de mutagenèse dirigée, de cisgenèse et d'intragenèse, ainsi que sur leurs produits alimentaires et non-alimentaires.

 

Il introduit la création de deux régimes applicables à la dissémination et à la mise sur le marché de plantes issues de NTG et de leurs produits, en fonction de leur classement dans les catégories suivantes:

- Les plantes et produits NTG de « catégorie 1 » répondraient à un régime de vérification permettant de justifier de l’équivalence avec des plantes « similaires à la nature » ou « pouvant également être obtenues par sélection conventionnelle ». Une fois la vérification de cette équivalence effectuée, les plantes NTG de catégorie 1 seraient soumises aux mêmes exigences que les plantes conventionnelles, à l’exception de quelques dispositions particulières : inscription dans un registre public, mention du recours à une NTG dans le catalogue des variétés, étiquetage des semences, interdiction en agriculture biologique (AB).

- Les plantes et produits NTG de « catégorie 2 » répondraient à un régime d’autorisation basé sur la directive 2001/18/CE ou le règlement (CE) n° 1829/2003, mais avec des exigences simplifiées, notamment en matière d’évaluation des risques, de détection et d’identification ou de surveillance.

Pour bénéficier du régime de la catégorie 1, la plante doit remplir certains critères, détaillés dans le projet de règlement. Si la plante ne remplit pas ces critères, elle est alors considérée comme appartenant à la catégorie 2.

 

Au sein du Conseil de l'Union européenne, les négociations n'ont actuellement pas permis d'aboutir à une orientation du Conseil, du fait de l'absence de majorité qualifiée parmi les Etats membres.

 

Le Parlement européen a, quant à lui, adopté sa position le 7 février 2024. Par rapport à la proposition de la Commission européenne, les eurodéputés proposent d'interdire les brevets sur les plantes issues de NTG, et d'ajouter une traçabilité et un étiquetage obligatoires pour l'ensemble de ces plantes.

 

Au niveau français, plusieurs avis relatifs aux NTG ont été produits par différentes instances, notamment:

- Suite à une saisine commune du ministère en charge de l'agriculture et du ministère en charge de l'environnement, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a rendu, le 6 mars 2024, son avis sur les risques sanitaires et environnementaux et enjeux socio-économiques liés aux NTG;

- Sur une autosaisine, l'Anses a publié, le 21 décembre 2023, un avis sur les critères permettant d'entrer en catégorie 1;

- Suite à une saisine du Gouvernement, le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) a produit un avis sur les attentes et enjeux sociétaux liés aux NTG, publié le 24 mai 2023;

- Sur saisine du ministère chargé de l'agriculture, le Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées (CTPS) a publié, en novembre 2022, un rapport sur l'incidence des NTG sur l'évaluation des variétés et leur mise sur le marché;

- L'Académie des technologies a publié, le 15 février 2023, son avis sur les nouvelles technologies génomiques appliquées aux plantes.

Qu'est-ce qu'un organisme génétiquement modifié (OGM)?

Définition

L’acronyme OGM signifie « Organisme Génétiquement Modifié ».

Sur le plan scientifique, il n’en existe pas de définition unique, mais le terme est généralement associé à un organisme (animal, végétal, bactérie) qui a été modifié par des techniques de génie génétique. Ces techniques, réalisées en laboratoire, permettent d’ajouter de nouveaux gènes, ou de supprimer ou modifier des gènes déjà présents dans l’organisme, afin, généralement, de lui faire acquérir de nouvelles caractéristiques.

D’un point de vue règlementaire, les textes européens (et en particulier la directive européenne 2001/18/CE) définissent un OGM comme un « organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ».

Le champ d’application des techniques OGM est large, allant de l’agriculture à l’industrie, en passant par le domaine médical.

Transgenèse

La technique historique qui a longtemps été utilisée pour créer des OGM est la transgenèse. Elle consiste à ajouter un ou plusieurs gènes d’une autre espèce dans le génome de l’organisme, dans le but d’en modifier les caractéristiques.

Contrairement à la technique de croisement traditionnelle qui ne s'applique qu'à des espèces proches parentes ou identiques, la transgenèse peut être réalisée à partir d'espèces différentes.

Le maïs MON810, seul OGM autorisé à la culture dans l’Union Européenne, est issu de transgenèse : il a été conçu par l'ajout d'un gène provenant d'une bactérie du sol Bacillus thuringiensis qui permet à la plante de produire une molécule insecticide.

Nouvelles techniques génomiques (NTG)

Plus récemment, et en particulier depuis le début des années 2000, de nouvelles techniques de génie génétique se sont développées pour modifier le génome de manière ciblée, de moduler l’expression des gènes ou d’appliquer la transgenèse dans des situations particulières. Ce sont les nouvelles techniques génomique (ou "NTG" ou "NGT" en anglais pour "New Genomic Techniques"). Contrairement à la transgenèse, ces techniques n’impliquent pas nécessairement l’ajout de gènes entier issus d’autres espèces dans l’organisme final. En revanche, les différentes étapes de génie génétique menées pour obtenir ces organismes peuvent impliquer de recourir à de la transgenèse, même si aucun gène extérieur n’est censé être présent dans l’organisme final (hors effets indésirables).

Ces techniques comprennent par exemple :

- la mutagenèse dirigée : induction de mutations aléatoires ou non au niveau d’un site précis du génome ; cette famille de technique, la plus utilisée à ce jour, fait souvent appel aux « ciseaux génétiques » CRISPR-Cas9.

- la cisgenèse ou intragenèse : transgenèse réalisée à partir de gènes issus soit de la même espèce soit d’espèces compatibles sexuellement.

- l’agro-infiltration : mise en contact des cellules des tissus des plantes avec des bactéries OGM contenant le ou les gènes d’intérêt, ce qui permet transitoirement leur expression par la plante.

Un projet de règlement est en cours de discussion au niveau européen. Son adoption conduirait à modifier le cadre réglementaire applicable à ces techniques (voir partie actualités).

Les différentes utilisations des OGM

L’utilisation la plus connue des OGM est dans le domaine agricole, avec en particulier l’utilisation de plantes ou d’animaux génétiquement modifiés. Cependant, les OGM sont également largement utilisés pour :

  • La recherche fondamentale pour mieux comprendre certains mécanismes biologiques ;
  • L’industrie, afin par exemple de produire certaines molécules d’intérêt ;
  • La santé, où des micro-organismes OGM sont utilisés pour la production de vaccins ou de médicaments (insuline par exemple) ou encore comme vecteur pour des thérapies géniques.

Etat des lieux de l'utilisation des OGM

Pour les plantes génétiquement modifiées

Dans le monde

La surface mondiale cultivée d’OGM correspond en 2019 à 190 millions d’hectares soit environ 10% des surfaces totales cultivées selon l’ISAAA.

Les plus gros producteurs mondiaux sont les Etats-Unis, le Brésil, l’Argentine, le Canada et l’Inde. À eux cinq, ils totalisent 91% des surfaces d’OGM cultivées en 2019.

Les quatre plantes OGM les plus cultivées sont le coton, le soja, le maïs et le colza. En surface, elles correspondent à 99% des cultures OGM. Le reste se partage principalement entre la luzerne et les betteraves sucrières, mais il existe également quelques autres fruits et légumes. Les techniques OGM sont également utilisées pour la création de fleurs d’ornement.

Dans le domaine agricole, les deux caractéristiques les plus répandues parmi les OGM sont, à ce jour :

- la tolérance à certains herbicides, par l’introduction d’un trait dit « TH », pour « tolérant aux herbicides ». L’introduction de ce trait permet, dans certains cas, une gestion facilitée du désherbage pour les agriculteurs, mais s’accompagne de problèmes environnementaux significatifs, notamment en terme de surconsommation d’herbicides.

- la résistance aux insectes ravageurs, grâce à la production par la plante d’un insecticide ciblé, par l’introduction d’un trait dit « Bt », pour « Bacillus thuringiensis ».

99% des surfaces cultivées de plantes OGM correspondent à des variétés possédant l’une, l’autre ou les deux caractéristiques combinées. La diversité des plantes OGM produites est donc particulièrement faible.

Dans l'Union Européenne

Seule une variété d’OGM est autorisée à la culture au sein de l’Union européenne : le maïs MON810, modifié pour acquérir une résistance à certaines insectes ravageurs (trait Bt).  

Il n’est cultivé que dans deux pays : en Espagne (107 000 hectares en 2019) et au Portugal (5 000 hectares en 2019). Ces surfaces sont inférieures à 0,1% de la totalité des surfaces européennes cultivées.

En outre, de nombreux OGM sont autorisés à l’importation au sein de l’Union Européenne. 78 variétés végétales sont, en 2021, autorisées à l’importation. Elles sont essentiellement destinées à l’alimentation animale (tourteaux de soja par exemple) : ainsi, selon l’ISAAA, 70% des importations destinées à l’alimentation animale dans l’Union Européenne sont issues de plantes génétiquement modifiées en 2019.

La liste des produits autorisés pour l'importation et l'utilisation en alimentation humaine et animale et les informations relatives aux autorisations sont accessibles dans le registre de la Commission européenne.

En France

La culture d’OGM à des fins commerciales est interdite en France depuis 2008.

La France a d'abord fait usage des clauses de sauvegarde et mesures d'urgence prévues par la directive 2001/18/CE et le règlement 1829/2003 pour interdire la culture, sur son territoire, du maïs MON810. Ainsi, la loi n°2015-567 du 2 juin 2014 interdit la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié.

Depuis 2015, la France utilise les nouvelles dispositions introduites par la directive 2015/412 sur la mise en culture des OGM. Elle a ainsi demandé à être exclue de la portée géographique des autorisations et des demandes d'autorisation pour la mise en culture. L’interdiction de culture concerne le maïs MON810, seul OGM autorisé à la culture au niveau européen.

Les OGM autorisés à l'importation et à la mise sur le marché dans l'Union européenne sont également autorisés en France pour les mêmes usages. Leur commercialisation est soumise aux exigences prévues dans la réglementation européenne, notamment aux règles de traçabilité et d'étiquetage.

Pour les autres utilisations d'OGM

Animaux

Des millions d’animaux transgéniques sont, chaque année, utilisés en laboratoire à des fins de recherche : ce sont principalement des rats, mais aussi des lapins, des chèvres, des vaches… Ils sont utilisés pour étudier les mécanismes génétiques, mimer des maladies humaines, tester ou synthétiser des molécules. Selon les rapports de la commission européenne, 2,59 millions d’animaux génétiquement modifiés ont été utilisés à des fins de recherche en 2017 dans l’Union Européenne.

Cependant, peu d’animaux transgéniques ont été autorisés à la commercialisation au niveau mondial, et aucun au niveau européen. Au Canada, des saumons transgéniques ont été commercialisés.

Par ailleurs, des poissons génétiquement modifiés ont été créés à des fins décoratives.

Enfin, des moustiques génétiquement modifiés sont utilisés dans le cadre de la lutte anti-vectorielle. Ainsi, des moustiques Aedes aegypti transgénique ont été disséminés, notamment au Brésil et aux Etats-Unis. Ce moustique transgénique doit permettre de lutter contre plusieurs maladies vectorielles.

Les nouvelles techniques de modification génétique, en particulier Crispr-Cas9, ont accéléré la recherche afin de développer de nouveaux animaux OGM à des fins d’élevage et de consommation. Des projets ont par exemple été menés pour obtenir des moutons avec un système musculaire hypertrophié ou des poissons avec une plus grande efficience alimentaire.

Industrie

Certaines industries ont recours aux OGM. C’est le cas de l’industrie des plastiques biodégradables, de l'industrie de la pâte à papier ou de l'industrie textile.

Par ailleurs, certains biocarburants sont produits à partir de colza transgénique.

Santé

De nombreux médicaments peuvent contenir des protéines produites par le biais de bactéries, levures ou cellules génétiquement modifiées. On peut citer l’insuline, utilisée dans le traitement du diabète, produite par une bactérie Escherichia coli modifiées, certaines hormones de croissance, ou encore des protéines utilisées dans le traitement de certains cancers.

Certains vaccins relèvent de la réglementation OGM. Ainsi, parmi les vaccins contre la Covid-19, c'est le cas de ceux à adénovirus recombinants (développés par exemple par les sociétés AstraZeneca ou Johnson & Johnson).

Enfin, la thérapie génique est utilisée pour soigner certaines maladies génétiques. Son administration est également encadrée par la réglementation OGM.

Le forçage génétique

La technique du forçage génétique (« Gene drive ») consiste à introduire dans des organismes vivants une modification génétique qui se transmet de manière quasi-certaine à la descendance. Ceci permet de modifier génétiquement ou d’éradiquer l'ensemble d'une population, voire d’une espèce, à partir de la dissémination de quelques individus.

Les applications potentielles n’en sont qu’au stade de la recherche, voire du concept. Cependant la recherche progresse rapidement sur le forçage génétique appliqué aux insectes, notamment aux moustiques, et de premières utilisations pourraient émerger avant la fin de cette décennie.

Les principales applications envisagées à ce stade sont la lutte anti-vectorielle (par la dissémination de moustiques pour lutter contre la malaria par exemple), l'agronomie (transmission d'un caractère de stérilité ou létalité à des nuisibles), ou encore la lutte contre les espèces nuisibles ou invasives (éradication par transmission d'un caractère létal).

Les implications écologiques, sociales et éthiques de cette technologie sont majeures. Les risques environnementaux potentiels sont significatifs, tout comme les incertitudes restant à lever, aussi bien en ce qui concerne la technique en elle-même que les méthodes d’évaluation et de maîtrise des risques.

En raison de la capacité des gènes forcés à rester à long terme, voir indéfiniment, dans l’environnement, et de leur capacité de dispersion, l’étape d’évaluation des risques est cruciale, et la dissémination de tels organismes ne peut être envisagée avant que toutes les incertitudes ne soient levées.

Risques associés

Risques sanitaires

À ce jour, la consommation d’OGM n'a pas provoqué d'effets indésirables connus sur la santé. Ceci est notamment lié au fait que les OGM commercialisés sont soumis à des évaluations des risques stricts, afin d’assurer qu’ils n’ont pas d'effets négatifs sur la santé et l'environnement.

Il est donc nécessaire de poursuivre les évaluations sanitaires avant toute commercialisation, afin de prévenir tout risque pour la santé, et en vertu du principe de précaution.  En effet, tout organisme génétiquement modifié peut potentiellement présenter un risque lié à la manipulation génétique elle-même (conséquences non anticipées dues au caractère aléatoire de la manipulation génétique), mais également des traits introduits et de leur interaction avec l’environnement. En particulier, certains gènes introduits peuvent ne jamais avoir été présents dans un organisme ou un produit auparavant.

Il est également nécessaire d’exercer une surveillance à long terme pour détecter rapidement tout effet indésirable éventuel.

Ces risques potentiels, communs à l’ensemble des OGM, peuvent se retrouver amplifiés dans le cas de recours à une nouvelle technique de sélection (NBT) du fait des effets hors-cible et du multiplexing. Les effets hors cibles sont les effets non intentionnels liés à l’étape de modification génétique en elle-même tandis que le multiplexing consiste à modifier simultanément plusieurs sites du génome par une seule manipulation.

Risques environnementaux

La culture d’OGM de manière non contrôlée comporte des risques environnementaux significatifs.

Les plantes génétiquement modifiées (GM) peuvent se croiser avec des variétés sauvages et disséminer leurs gènes de manière incontrôlée dans la nature. A titre d’exemple, une plante génétiquement modifiée pour être tolérante à un herbicide risque de transmettre cette tolérance à des plantes sauvages de la même famille.

Les plantes GM qui produisent une protéine insecticide peuvent ne pas être nocives uniquement pour les insectes cibles mais peuvent aussi affecter d’autres espèces d’insectes (dits non cibles), qui jouent un rôle dans l’équilibre écologique global en étant, par exemple, prédateur de parasites. Enfin, l’utilisation en continu de ces plantes génétiquement modifiées pour sécréter des insecticides favorise l’apparition, chez les insectes cibles, de la résistance à la molécule insecticide.

Les surfaces d’OGM cultivées en 2019 correspondent à 89% à des variétés rendues tolérantes aux herbicides (VrTH). La culture de VrTH est susceptible d’entrainer une augmentation de l’utilisation d’herbicide et donc une pollution accrue des milieux (air, sol, eaux) ainsi que l’apparition de résistance aux herbicides parmi les adventices (« mauvaises herbes »).

Plus spécifiquement concernant les nouvelles techniques de sélection (NBT), il existe un risque de déstabilisation des écosystèmes en raison de la rapidité accrue de sélection des plantes. En effet, une plante avec un trait favorable peut se comporter comme une plante invasive dans les écosystèmes, et la dissémination trop rapide dans la nature de plantes génétiquement modifiées peut remettre en cause les équilibres naturels existants.

Enfin, la très faible diversité de traits aujourd’hui obtenus par les techniques de génie génétique et la nature de ces traits encourage le développement de systèmes agricoles non durables (monocultures, rotations courtes) avec des impacts sur la biodiversité et la résilience des écosystèmes.

Risques socio-économiques

L’un des principaux risque socio-économique est lié à la question des brevets et de la propriété industrielle.

En effet, au niveau européen comme français, les plantes et variétés obtenues par des méthodes de sélection « essentiellement biologiques » sont exclues du principe de brevetabilité. Ce principe de non-brevetabilité du vivant a été réaffirmé par la loi pour la reconquête de la biodiversité de 2016.

A l’inverse des plantes obtenues par sélection classique (procédé « essentiellement biologique »), les plantes génétiquement modifiées peuvent être brevetées, leur processus d’obtention ayant recours à des techniques de génie génétique, ne pouvant être considérées comme des techniques « essentiellement biologiques ». Ceci constitue alors une exception importante au principe de non-brevetabilité du vivant.

Si une plante est brevetée, cela signifie qu’il est interdit de garder une partie de la récolte pour la réutiliser en tant que semence de l’année suivante, et qu’il est impossible de s’échanger des semences. Autrement dit, le brevet entraîne une "stérilité juridique" des plantes agricoles, de laquelle découle un appauvrissement de la diversité des cultures.

A cela s’ajoute :

  • le fait que le coût de la semence est augmenté par les redevances dues aux semenciers ;
  • la dépendance importante des agricultures utilisant ces semences à un même semencier, souvent avec des systèmes de ventes liées « semences + herbicides » pour les variétés tolérances au herbicides ;
  • un rôle majeur dans la concentration du secteur des semences. L’introduction de traits protégés par des brevets dans les OGM issus de transgénèse a en effet conduit à la constitution d’oligopoles, alors qu’il s’agit justement jusque-là d’un système constitué de beaucoup d’acteurs de taille faible ou moyenne. Ainsi, une étude de 2013 du Commissariat général à la stratégie et à la prospective en France a montré que seulement dix grandes firmes multinationales contrôlent 60 % du marché mondial formel des semences, la majorité de ces groupes étant issue de l'industrie chimique. Selon l’étude, cette récente concentration est en partie liée aux recours aux traits protégés par les brevets et cette concentration croissante et accélérée a été identifiée en 2013 comme préoccupante par le Haut Conseil des biotechnologies car elle met en péril la diversité des systèmes d'innovation et, in fine, la diversité des variétés cultivées.
  • enfin, certaines craintes portent sur le fait qu’un brevet portant sur une plante obtenue par une technique de modification génétique puisse être étendu à la même plante, obtenue cette fois par une technique de sélection conventionnelle.

 

Un autre risque socio-économique porte sur les possibles contaminations de cultures non-OGM par des cultures génétiquement modifiées des champs environnants. Ces contaminations peuvent engendrer des pertes importantes, lorsque, par exemple, un agriculteur en agriculture biologique ou labellisée « sans OGM » subit une contamination par des plantes génétiquement modifiés sur ses parcelles. Sa récolte sera alors déclassée.

Questionnement et risques éthiques

La modification du génome, ciblée ou non, est un outil utilisé depuis des décennies, notamment en médecine ou en agronomie. Cependant, ces dernières années, les technologies utilisées ont connu des avancées scientifiques majeures, et l’utilisation qui peut en être faite amène à des questions d’ordre éthique. Dans son avis 133, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) en soulève notamment deux :

- la transmission des modifications génétiques à la descendance,

- la maîtrise incomplète des techniques, ce qui entraîne une incertitude quant à leurs effets à court et à long terme sur les individus et la biodiversité.

Plus généralement, l’enjeu éthique repose sur le fait d’utiliser ou non ces techniques. Serait-il éthiquement acceptable de se priver de ces techniques ? En effet, la facilité d’utilisation des nouvelles techniques d’édition du génome, notamment avec la technologie de Crispr-Cas9 et le flou réglementaire qui les encadre, peut rendre leur application à court-terme intéressante. Cependant, avec la facilité et la rapidité avec lesquelles les modifications génétiques peuvent être réalisées, il est souvent omis le fait que la ressource génétique présente sur Terre résulte de plusieurs milliards d’années d’évolution. Il est donc nécessaire de replacer l’utilisation de ces techniques, ainsi que leurs risques associés, dans cette temporalité.

Par ailleurs, outre l’enjeu éthique autour de l’utilisation même de ces techniques, il existe un enjeu autour des conséquences de l’utilisation de ces techniques dans certains domaines, ou autour de certaines applications possibles.

En effet, dans le domaine végétal, l’enjeu de la propriété intellectuelle peut être soulevé. Deux systèmes permettant de protéger la propriété intellectuelle relative à la création de variétés végétale existent. L’un est le Certificat d’Obtention Végétale (COV) et l’autre est le brevet. Le COV garantit un droit d’auteur au créateur d’une nouvelle variété végétale en lui attribuant un droit d’exploitation exclusif, mais permet aussi aux acteurs du secteur végétal (les sélectionneurs) d’avoir accès à l’ensemble de la ressource génétique pour créer de nouvelles variétés, sans avoir à solliciter l’autorisation du titulaire du COV portant sur les variétés utilisées. Il s’agit du principe de l’exemption du sélectionneur, prévue par l’article 15 de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales. Le brevet, à la différence du COV, ne porte pas sur une variété végétale, mais sur une invention contenue dans la variété (par exemple un nouveau trait). Il protège l’invention, mais aussi le produit obtenu grâce à l’invention, d’après la directive 98/44/CE du parlement européen et du conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques. Ainsi, un sélectionneur ne peut utiliser une variété qui fait l’objet d’un brevet qu’après accord du titulaire du brevet et la nouvelle variété obtenue ne peut être commercialisée que si le trait qui fait l’objet du brevet n’est plus présent ou ne s’exprime plus. L’enjeu autour de la propriété intellectuelle est donc la possibilité d’une privatisation de la ressource génétique avec le dépôt de brevets sur certains gènes ou ensemble de gènes.

En élevage, l'application des nouvelles techniques de sélection génétique permettent d'accélérer les démarches traditionnelles de sélection, parfois au détriment du bien-être animal.

L’utilisation des nouvelles techniques génétiques, notamment avec CRISPR-Cas9, peut aussi amener à des dérives, en fonction des applications visées.

La possibilité d’utilisation de ces techniques, en particulier sur des bactéries ou des virus, dans un objectif de bioterrorisme n’est pas à négliger. Certaines expériences ont déjà été réalisées, avant même le développement de l’utilisation de CRISPR-Cas9. Cela a par exemple été le cas en 2011, avec un virus H5N1, qui a été génétiquement modifié pour être plus virulent et contagieux car transmissible aussi par les mammifères.

La facilité d’utilisation des techniques, mais aussi la possibilité de transmission de la modification à la descendance peut entraîner des conséquences plus que controversées, notamment dans une utilisation sur l’être humain. Le protocole de Belmont établit les principes liés aux recherches et applications médicales sur des sujets humains. Il préconise que les actions menées doivent :

- impérativement ne pas être susceptibles de nuire à l’individu ou à la collectivité humaine ;

- être pertinentes, en rapport avec l’état de l’art, minimisant les risques encourus ;

- respecter l’autonomie de la personne qui doit être partie prenante de la décision médicale ou scientifique dans le cadre d’un consentement éclairé ;

- avoir comme but essentiel d’amener de la bienfaisance individuelle et /ou collective ;

- relever enfin tout à la fois de la justice, de l’équité et de la solidarité.

Cependant, dans l’objectif de préserver l’humain contre des handicaps ou des affections graves, la frontière de l’eugénisme peut très vite être franchie. Cette ligne a d’ailleurs été franchie en 2018, avec l’annonce de la naissance de jumelles après implantation d’embryons génétiquement modifiés, en absence de toute pathologie. Cette annonce a été unanimement condamnée par la communauté scientifique, d’une part pour le fait qu’une telle pratique est à l’opposé de toute déontologie de recherche et qu’aucune réflexion éthique n’a été menée, et d’autre part pour l’utilisation d’une méthode non maitrisée, qui peut entraîner des modifications génétiques annexes dont les effets restent inconnus. Cela a notamment rouvert le débat sur la nécessité d’un moratoire internationale.

En France, même si le Conseil d’ Etat prônait, dans son rapport de 2018, une ouverture de la recherche « pour éviter que la faisabilité technique ne préempte le nécessaire débat de principe », toute expérimentation sur le génome humain est interdite, par l’article 13 de la convention d’Oviedo, ainsi que par l’article 16-4 du code civil.

Ainsi, l’utilisation de ces techniques peut être prometteuse dans certains domaines, mais il est à considérer que d’autres solutions existent, moins imprévisibles et éthiquement questionnables. Les techniques de modifications du génome, souvent présentées comme révolutionnaires, ne devraient être envisagées qu’en dernier recours, après une évaluation exhaustive des risques. En ce sens, d’après l’avis du CCNE, il apparaît nécessaire d’analyser en tant que plante génétiquement modifiée toute plante ou champignon comportant un transfert génétique interspécifique ainsi que toute modification génétique ciblée. Ainsi, cela permettra de considérer leur potentiel impact sur la santé humaine et les écosystèmes, du fait des incertitudes subsistant quant aux effets indirects susceptibles d’être engendrés.

La réglementation européenne et française

La réglementation européenne distingue les utilisations confinées des utilisations disséminées.

Les utilisations confinées sont encadrées par la directive 2009/41/CE relative à l’utilisation en milieu confiné de micro-organismes.

Les utilisations disséminées sont encadrées par :

  • la directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement (concerne les expérimentations et la mise en marché des semences) ;
  • les règlements (CE) n°1829/2003  concernant les denrées alimentaires et les aliments génétiquement modifiés et  n°1830/2003 concernant la traçabilité et l'étiquetage des OGM (concerne la mise en marché des produits).

Au niveau national, ces règlementations sont principalement transcrites dans le code de l’environnement (titre III du livre V).

    L'utilisation confinée d'OGM

    L’utilisation confinée d’OGM est encadrée au niveau européen par la directive 2009/41/CE, transposée au niveau national dans le code de l’environnement. Celui-ci prévoit que toute utilisation d’OGM qui peut présenter des risques potentiels pour la santé publique ou l’environnement est réalisée de manière confinée, dans des conditions définies par l’autorité administrative.

    Les OGM sont classés en quatre groupes selon leur dangerosité pour l’environnement et la santé humaine. Une classe de confinement est ensuite associée en fonction du groupe de l’organisme et des caractéristiques de l’opération.

    La réglementation introduit la notion de déclaration ou d’autorisation des utilisations, ainsi qu’une notion d’agrément des installations :

    • les utilisations confinées d’OGM rangés dans la classe de confinement 1 (risque nul ou négligeable) sont soumises à déclaration.
    • les utilisations confinées d’OGM rangés dans les classes de confinement 2 à 4 (risque faible à élevé) sont soumises à autorisation.
    • Les installations dans lesquelles sont mises en œuvre les utilisations confinées doivent être agréées

    Toutefois, lorsqu’une utilisation confinée rangée dans la classe de confinement 1 est mise en œuvre dans une installation déjà agréée pour une classe 1 ou supérieure, cette utilisation se déroule sans nouvelle déclaration. Un dossier d’évaluation des risques est tenu à disposition de l’autorité compétente.

    De même, lorsqu’une utilisation confinée rangée dans la classe de confinement 2 est mise en œuvre dans une installation déjà agréée pour une classe 2 ou supérieure, cette utilisation est soumise à simple déclaration.

    Dans le cas de l’utilisation confinée d’OGM à des fins de recherche, de développement et d’enseignement, les déclarations d’utilisation et les demandes d’autorisation d’utilisation sont adressées au ministre chargé de la recherche. Celui-ci transmet les demandes d’autorisation au comité d’expertise des utilisations confinées d’organismes génétiquement modifiés (CEUCOGM) pour avis.

    Dans le cas de l’utilisation confinée d’OGM à des fins de production industrielle, l’autorité compétente est le préfet du département où se situe l'installation. Celui-ci saisit le CEUCOGM du dossier reçu. Cette utilisation confinée d'OGM est également soumise aux dispositions réglementaires sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), au titre de la rubrique 2680 de la nomenclature ICPE.

    Le récépissé de déclaration d’utilisation tout comme l’autorisation d’utilisation sont délivrés pour une durée qui ne peut pas excéder 5 ans et ne valent que pour l’utilisation confinée prévue.

    Une procédure spécifique s’applique pour les essais cliniques de médicaments OGM (voir le site de l’ANSM).

      L'utilisation disséminée d'OGM

      Dissémination volontaire à toute autre fin qu la mise sur le marché (expérimentation)

      La procédure d'autorisation pour des expérimentations d’OGM (utilisation disséminée à tout autre fin que la mise sur le marché) est une procédure nationale. Ces expérimentations, qui regroupent toutes les disséminations d’OGM à d’autres fins que la mise sur le marché, concernent tout type d’OGM (plantes, animaux, médicament vétérinaires, produits de thérapies géniques…) et ont pour but la recherche ou l’évaluation d’un OGM en vue d’une mise sur le marché. Cette procédure d’autorisation est encadrée par la directive européenne 2001/18/CE, transcrite dans le code de l’environnement.

      Le demandeur dépose un dossier à l’autorité compétente de l’État membre. Celle-ci s’assure de la recevabilité du dossier et peut délivrer ou non l’autorisation après consultation du public sur Internet, évaluation par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et accord du ministère de la transition écologique (dans le cas où celui-ci n’est pas l’autorité compétente).

      La réglementation prévoit également une information du public une fois l’autorisation accordée avec, notamment, la mise à disposition d’une fiche d’information au public accessible en mairie. La Commission européenne est également informée.

        Dissémination volontaire dans le cadre d'une autorisation de mise sur le marché (AMM)

        Si l’OGM est destiné à l’alimentation humaine ou animale, cette procédure est fixée par le règlement (CE) n°1829/2003 et est directement applicable aux États membres de l'Union européenne. Sinon (dans le cas par exemple des plantes ornementales), elle est fixée par la directive européenne 2001/18/CE qui est déclinée dans le droit français dans le code de l’environnement.

        Pour commercialiser un produit contenant ou dérivant d’OGM, une entreprise doit effectuer une demande auprès d’un État membre.

        Dans le cas d’OGM destiné à l’alimentation, le dossier est transmis à l’EFSA (European Food Safety Authority) qui est chargée de l’évaluation des risques environnementaux et sanitaires. Suite à l’avis de l’EFSA et à la consultation des États membres, la Commission européenne prépare un projet de décision et le soumet au vote de ces derniers. Dans le cas où ce projet ne recueille pas de majorité qualifiée[1] pour ou contre, il appartient in fine à la Commission de prendre une décision pour autoriser ou non sa commercialisation.

        Si l’OGM n’est pas destiné à l’alimentation, l'État membre qui a reçu le dossier établit directement un rapport d'évaluation dans lequel il indique si l’OGM peut être mis sur le marché ou non. Si l'avis est favorable, la Commission européenne consulte le public et les autres États membres. C’est seulement en cas d’objection d’États membres qu’elle consulte l’EFSA (European Food Safety Authority) et soumet le projet de décision d’autorisation au vote des États membres. L’État membre rapporteur délivre, en cas d’avis favorable, l’autorisation.

        Les directives européennes donnent une place importante à la consultation du public. Ainsi, au cours des procédures européennes d’autorisation de mise sur le marché d’OGM, le public est informé et consulté via le site Internet de la Commission européenne.

        Les autorisations délivrées au niveau européen de dissémination et de mise sur le marché d’OGM sont valables sur tout le territoire de l'Union européenne. Elles sont généralement limitées à 10 ans et sont renouvelables. Toutefois, si un État membre considère qu'un OGM est susceptible de présenter un risque pour la santé humaine ou l'environnement, il peut recourir à la clause de sauvegarde prévue par la directive 2001/18/CE pour restreindre ou interdire provisoirement la culture ou la mise sur le marché de l'OGM sur son territoire. La nécessité du maintien de la mesure nationale ou de l'adoption d'une mesure européenne est ensuite examinée au niveau européen.

        Dans le cas où une entreprise cherche à commercialiser un OGM pour sa mise en culture dans l'Union européenne, les États membres peuvent même demander une exclusion géographique de la mise en culture d'un OGM sans justification, conformément à la directive 2015/412, qui a modifié la directive 2001/18 en 2015, pour donner davantage de marge de manœuvre aux États membres de l'Union européenne pour décider s'ils souhaitent ou non que des OGM soient cultivés sur leur territoire.

        L'entreprise responsable de la demande d'autorisation peut accepter ou refuser ces restrictions géographiques. En cas de refus, les Etats membres peuvent également interdire la mise en culture au niveau national pour des motifs autres que les risques sanitaires ou socio-économiques.

        19 États membres dont la France ont demandé et obtenu une exclusion géographique totale ou partielle de leur territoire pour le seul OGM autorisé à la culture en Europe (le maïs MON810).

        Des dispositions ont également été prises pour permettre la coexistence des cultures OGM et non OGM au niveau européen (directive 2001/18/CE) et au niveau national (code rural et pêche maritime).

         

        [1] Majorité qualifiée de 55% des EM et 65% population UE

          Les grands principes de l'encadrement de la dissémination d'OGM

          L'évaluation des OGM

          Au niveau européen

          Les OGM destinés à être mis sur le marché ou cultivés commercialement dans l'Union européenne font tous l'objet d'une évaluation des risques sanitaires et environnementaux. Au niveau européen, l’évaluation des risques est réalisée par l'EFSA.

          Les informations à fournir dans les dossiers de demandes d'autorisation et les principes à appliquer pour l'évaluation des risques sont fixés au niveau européen :

          • la directive 2001/18/CE  définit les informations à fournir ainsi que les principes et méthodologies pour l'évaluation environnementale des OGM.
          • le règlement d'exécution (UE) n°503/2013 définit les exigences relatives au dossier de demande d'autorisation et à l'évaluation des OGM destinées à l'alimentation humaine et animale.

          D'autres documents d'orientation publiés par l'EFSA précisent et complètent les exigences réglementaires en matière d’évaluation des risques environnementaux et sanitaires.

          Les évaluations des risques sanitaires et environnementaux sont progressivement complétées par l’évaluation socio-économique.  Ainsi, la directive 2001/18/CE a été modifiée par la directive (UE) 2015/412 pour donner la possibilité aux États membres de ne pas autoriser la culture d’un OGM pour des motifs autres que ceux liés à la santé ou à l’environnement, liés à des objectifs de politique environnementale, à l’aménagement du territoire, à l’affectation des sols, aux incidences socio-économiques, à la volonté d’éviter la présence d’OGM dans d’autres produits, à des objectifs de politique agricole ou encore des motifs liés à l’ordre public.

            Au niveau national

            En France, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) est l’entité chargée d’évaluer les risques sanitaires, environnementaux et socio-économiques associés à la dissémination d’OGM, depuis le 1er janvier 2022. Lorsque la réglementation le demande ou de manière volontaire, l’agence est saisie par le Gouvernement, pour émettre des avis qui contribuent, selon les cas, à l’avis émis au niveau européen, ou à la prise de décision au niveau national.

            Ces avis sont rendus publics.

            L'étiquetage et la traçabilité

            L'étiquetage "OGM"

            Les règlements (CE) n°1829/2003 et 1830/2003 fixent les règles en matière de traçabilité et d'étiquetage des OGM autorisés à la mise sur le marché dans l'Union européenne.

            L’étiquetage des OGM et des produits dérivés d'OGM est ainsi obligatoire.

            Le caractère génétiquement modifié du produit ou de l'ingrédient concerné doit figurer sur l'étiquetage ou sur le présentoir du produit. L'obligation d'étiquetage s'applique indépendamment de la présence d’ADN ou de protéines résultant de la modification génétique. Les produits très transformés (comme les huiles raffinées) sont donc étiquetés dès lors que la matière première est génétiquement modifiée.

            Afin de prendre en compte les cas possibles de présence accidentelle ou techniquement inévitable d’OGM dans les autres produits, un seuil d’exemption d’étiquetage est fixé à 0,9%. Pour que cette exemption s’applique, l’opérateur doit être en mesure de démontrer qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour éviter la présence d'OGM ou de leurs dérivés. Ce seuil s’applique pour chaque ingrédient ou aliment pour animaux considéré individuellement. Le seuil d'exemption ne s'applique pas aux semences destinées à la mise en culture.

            Les produits issus d’un animal nourri avec des aliments génétiquement modifiés ne sont pas concernés par l’étiquetage obligatoire. Ainsi, le lait ou la viande d’un animal nourri avec des aliments génétiquement modifiés ne sont pas étiquetés comme produits génétiquement modifiés.

            L’obligation de traçabilité permet de contrôler la conformité de cet étiquetage. Tous les produits OGM et leurs dérivés alimentaires doivent être identifiés à tous les stades de leur mise sur le marché, à l'aide d'un code unique permettant d’identifier chaque OGM. Ces informations doivent être conservées pendant une durée de 5 ans.

              L'étiquetage "sans OGM"

              L’étiquetage des produits issus de filières « sans OGM » n’est pas réglementé au niveau européen.

              Le principe d’un tel étiquetage a été introduit en France par la loi n°2008-595 du 25 juin 2008 relative aux OGM. Le décret n°2012-128 du 30 janvier 2012, pris en application de la loi, fixe les règles de l’étiquetage facultatif des denrées alimentaires issues de filières qualifiées « sans OGM ».

              Trois catégories d’ingrédients peuvent faire l’objet d’une mention :

              - les ingrédients d’origine végétale (par exemple, la farine, l’amidon ou la lécithine) peuvent porter la mention « sans OGM » s’ils sont issus de matières premières contenant au maximum 0,1% d’OGM

              - les ingrédients d’origine animale (par exemple, le lait, la viande, le poisson ou les œufs) peuvent porter les mentions « nourri sans OGM (<0,1%) » ou « nourri sans OGM (<0,9%) » ;

              - les ingrédients d’origine apicole peuvent être étiquetés « sans OGM dans un rayon de 3 km ».

              Ces mentions apparaissent le plus souvent dans la liste des ingrédients. Lorsque le produit ne comporte pas de liste d’ingrédients ou lorsque l’ingrédient mis en avant représente plus de 95% de la denrée, la mention peut apparaître dans le champ visuel principal de l’emballage.

                La détection des OGM

                La réglementation européenne prévoit que tout OGM autorisé à la mise sur le marché dans l'Union européenne doit être accompagné d'une méthode de détection.

                La méthode de détection d'un OGM est validée, avant autorisation de l'OGM, par le laboratoire de référence de l'Union européenne, avec l'aide d'un réseau de laboratoires désignés par les États membres.

                Ces méthodes de détection des OGM sont utilisées pour réaliser des analyses dans le cadre des contrôles officiels afin de vérifier le respect de la réglementation sur les OGM, notamment les règles d'étiquetage.

                La surveillance

                Les autorisations de mise sur le marché d'OGM sont accompagnées d'un plan de surveillance qui doit être mis en œuvre par le détenteur de l'autorisation. Les plans de surveillance des OGM sont publiés dans le registre de la Commission européenne.

                Des rapports annuels doivent être remis par le détenteur de l'autorisation à la Commission européenne. Les rapports annuels de surveillance de la culture du maïs MON810, seul OGM autorisé à la culture en Europe, sont rendus publics sur le site de la Commission européenne.

                Le contentieux sur les variétés tolérantes aux herbicides (VTH)

                Fin 2014, neuf associations ont adressé un courrier au Premier ministre demandant, d’une part, l’abrogation de l’article D.531-2 du code de l’environnement en ce qu’il exempte les organismes obtenus par mutagenèse de la réglementation sur les OGM - dont font partie les variétés rendues tolérantes aux herbicides (VTH), et d’autre part, un moratoire sur ces VTH.

                Le développement des nouvelles techniques de génie génétique a en effet entrainé un flou juridique autour de certaines variétés obtenues par plusieurs techniques de sélection, dont la mutagenèse aléatoire, utilisée principalement pour la création de variétés tolérantes aux herbicides.

                Le silence gardé par l’administration quant à cette demande a fait naître une décision implicite de rejet, contre laquelle les associations ont formé un recours devant le Conseil d’État (CE). Par une décision du 3 octobre 2016, celui-ci a posé à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) quatre questions préjudicielles et sursis à statuer sur les conclusions de la requête jusqu’à ce que la Cour se soit prononcée sur ces questions. Par un arrêt rendu le 25 juillet 2018 (affaire C‑528/16), la CJUE a ainsi :

                • clarifié le champ d’application de la directive 2001/18/CE : la Cour précise que tout produit d’une technique de mutagénèse est un OGM, et que seuls sont exemptés de la procédure d’évaluation les produits de techniques de mutagénèse traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps.
                • précisé la notion de « techniques traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps » : l’arrêt indique notamment, en son point 51, que la directive ne saurait être interprétée comme excluant de son champ d’application « des organismes obtenus au moyen de techniques/méthodes nouvelles de mutagenèse qui sont apparues ou se sont principalement développées depuis l’adoption de ladite directive ».

                Dans sa décision du 7 février 2020, le Conseil d’État conclut que les techniques de mutagénèse aléatoire in vitro soumettant des cellules de plantes à des agents mutagènes chimiques ou physiques, ainsi que les techniques de mutagénèse dite dirigée ou d'édition du génome, ne sont pas des techniques traditionnellement utilisées et dont la sécurité est avérée depuis longtemps, étant apparues ou s’étant principalement développées depuis l’adoption de la directive 2001/18/CE. Il en résulte que les organismes obtenus à partir de ces techniques doivent être soumis à la réglementation relative aux OGM.

                En conséquence, le Conseil d’État a enjoint au Premier ministre de modifier la règlementation qui précise les techniques de mutagenèse exemptées de la réglementation relative aux OGM afin de les distinguer de celles qui, conformément à son analyse, entrent dans le champ de cette réglementation.

                Il enjoint également aux autorités compétentes de prendre toutes les dispositions nécessaires qui en découlent :

                • identifier, au sein du catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles, celles des variétés qui y auraient été inscrites sans que soit conduite l’évaluation à laquelle elles auraient dû être soumises compte tenu de la technique ayant permis de les obtenir ;
                • apprécier, s’il y a lieu, d’engager la procédure de retrait des variétés concernées, la suspension voire la destruction des cultures en place.

                Enfin, pour les variétés tolérantes aux herbicides restant autorisées, c’est-à-dire celles obtenues par toute autre technique que la mutagenèse aléatoire in vitro, le Conseil d’État enjoint, en vertu du principe de précaution :

                • de suivre les recommandations émises par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) dans son avis du 26 novembre 2019 relatif à l'utilisation des variétés rendues tolérantes aux herbicides cultivées en France, qui demande notamment un suivi de leurs impacts environnementaux ;
                • de mettre en œuvre la procédure prévue à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 2002/53/CE pour être autorisé à prescrire des conditions de culture appropriées pour ces variétés.

                Suite à la décision du Conseil d’Etat, le Gouvernement a préparé un projet de décret et deux projets d'arrêtés afin de répondre aux injonctions du Conseil d'État. Ces projets de textes ont été transmis pour avis au Haut Conseil des Biotechnologies et notifiés à la Commission européenne. Celle-ci a émis un avis circonstancié contestant, avec cinq autres Etats membres, la compatibilité juridique des projets de texte avec la législation de l'Union européenne.

                Enfin, concernant le suivi des VTH qui resteront autorisées, le Gouvernement a saisi l’Anses et l’Inrae pour l’appuyer dans la définition des mesures à mettre en œuvre. C’est sur la base des derniers avis rendus par ces instances que va être mis en œuvre le dispositif de suivi des VTH.

                Le Conseil d'État a été saisi, par les organisations à l'origine du contentieux initial, d'un nouveau recours visant à obtenir l'exécution des injonctions de la décision du 7 février 2020.

                Le Conseil d'Etat a rendu sa décision le 8 novembre 2021.

                En ce qui concerne les VTH, le CE a enjoint au Gouvernement d’adopter, dans un délai de 3 mois, un plan d’action définissant les mesures retenues pour l’évaluation des risques des VTH pour la santé humaine et le milieu aquatique, ainsi qu’à mettre en œuvre la procédure prévue par le droit européen pour être autorisé à prescrire des conditions de culture appropriées, sous peine d’astreintes financières.

                L’ordonnance n°2021-1659 du 15 décembre 2021, permet de fixer un cadre légal pour prescrire de telles conditions de culture, ainsi que le suivi des cultures.

                En ce qui concerne le statut de la mutagenèse aléatoire in vitro, le CE sursoit à statuer et renvoie à la CJUE deux nouvelles questions préjudicielles qui peuvent être ainsi résumées :

                - Pour distinguer parmi les techniques de mutagénèse les techniques qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps, ne faut-il considérer que les modalités selon lesquelles l’agent mutagène modifie le matériel génétique de l’organisme, ou faut-il prendre en compte l’ensemble des variations de l’organisme induites par le procédé employé, y compris les variations somaclonales, susceptibles d’affecter la santé humaine et l’environnement ?     

                - Pour déterminer si une technique de mutagénèse a été traditionnellement utilisée pour diverses applications et si sa sécurité est avérée depuis longtemps, faut-il ne prendre en compte que les cultures en plein champ ou est-il possible de prendre également en compte les travaux et publications de recherches ne se rapportant pas à ces cultures ? S’agissant de ces travaux et publications, faut-il seulement considérer ceux qui portent sur les risques pour la santé humaine ou l’environnement ?

                La France transmettra ses observations à la CJUE au plus tard le 24 février 2022.

                 

                Le protocole de Carthagène

                Le protocole de Carthagène a été adopté en 2000 au sein de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) et est entré en vigueur en 2003. Il a pour but de protéger la biodiversité en s’assurant que le transfert, la manipulation et l’utilisation des OVM (organismes vivants modifiés : par exemple les semences de maïs mais pas la farine de maïs) soient effectués avec le bon degré de sécurité.

                C’est un socle commun qui est ensuite décliné dans les lois nationales. Il regroupe 173 parties ou Etats signataires mais certains grands pays exportateurs d’OGM que sont les Etats-Unis, le Canada et l’Argentine ne l’ont pas ratifié.

                Il régit les transports transfrontaliers d’OVM avec notamment la nécessité d’accord préalable en connaissance de cause de l’importateur. L’exportateur doit fournir une évaluation des risques (sanitaires, écologiques et, sur une base volontaire, socio-économiques) et transmettre toutes les informations au centre d’échange pour la prévention des risques biotechnologiques ou BCH (biosafety clearing house). Ainsi, toutes les informations sont regroupées à l‘échelle mondiale.

                Il s’appuie sur le principe de précaution et met en avant la sensibilisation et la participation du public aux prises de décision, y compris les peuples autochtones et les communautés locales.

                Il encourage la mise en place de cadres réglementaires nationaux grâce à des mesures de renforcement des capacités des pays en développement.

                Il est complété par le protocole additionnel de Nagoya Kuala Lumpur en vigueur depuis 2018 sur la responsabilité et les réparations en cas de dommage : celui-ci s’appuie sur le principe de « pollueur-payeur ».

                La Conférence des Parties siégeant en tant que réunion des Parties au Protocole (COP-MOP) se réunit tous les deux ans, conjointement avec les réunions régulières de la Conférence des Parties (COP) à la Convention sur la diversité biologique. Elle discute notamment de l’implémentation du Protocole, et prend des décisions concernant notamment les travaux à mener, par exemple en matière de développement de matériel d’évaluation et de gestion des risques.

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