Discours - 32e Congrès national d’AMORCE « Eau, Energie, déchets : quelle fiscalité et quel financement pour la transition écologique ? »

Le Vendredi 19 octobre 2018

Seul le prononcé fait foi

« En France il y a aujourd’hui, une volonté très forte de nos concitoyens de consommer différemment et une incompréhension, voire une opposition grandissante aux modes de production non durables. Ils ne supportent plus de vivre dans une société qui privilégie le jetable au durable. Ils ne supportent plus les produits qui arnaquent la planète et leur portefeuille par le biais de stratégies d’obsolescence programmée. Ils ne supportent plus qu’on continue à creuser des trous pour y mettre des déchets alors qu’ils pourraient être utilisés comme de nouvelles ressources. Une économie qui ne respectent ni la planète ni le bien-être des populations n’est tout simplement plus acceptée !

Sur quoi je m’appuie pour dire cela ? Il y a ce que je perçois comme vous tous en lisant le journal, en discutant avec mes voisins, en observant notre société frémir : les marches pour le climat, les initiatives citoyennes fleurissent et agrègent de plus en plus de monde. La société aujourd’hui, les Français que vous côtoyez au jour le jour sont mûrs pour une transformation qui traduise dans leurs modes de vie nos engagements internationaux en faveur du climat, de la biodiversité. Au-delà des enjeux environnementaux, il s’agit d’enjeux de société, d’enjeux industriels. Et dans ces domaines, la France est loin d’être la plus vertueuse, au regard des performances de nos grands voisins.

La bonne nouvelle et j’ai pu m’en rendre compte en traversant la France pour accompagner la réalisation de la FREC, c’est que des initiatives associatives et industrielles font aujourd’hui des merveilles en termes de transformation de nos réflexes, de nos pratiques : pour éviter de produire des déchets, pour réemployer des objets qui peuvent avoir plusieurs vies et donc, pour recycler et transformer nos déchets en ressources. Leurs intuitions, leurs réalisations, nous avons souhaité leur donner de l’ampleur, les « faire passer à l’échelle ». Au travers de 50 mesures, la FREC, annoncée le 23 avril dernier par le premier ministre, porte cette ambition : faire entrer la France résolument dans la boucle de l’économie circulaire.

Et après 6 mois de mise en œuvre, nous avons déjà accompli énormément :  

  • Groupes de travail sur les déchets sauvages,
  • Indice de réparabilité des produits (qui sera obligatoire à partir de janvier 2020) pour que chaque François ait accès aux informations sur la durée de vie des produits et puisse privilégier un appareil réparable et recyclable.  
  • Des engagements plastiques pris par les industriels : c’est un début et nous allons accélérer sous l’impulsion de la commission européenne en envoyant un signal très fort sur les résines non recyclables avec le levier du bonus/malus sur les éco-contributions. Car nos concitoyens ne comprennent plus que l’on puisse mettre sur le marché des produits non recyclables. L’éco-conception fait partie de la responsabilité des metteurs sur le marché.
  • Et puis, c’est tout récent, à travers la loi de finance actuellement en discussion, nous mettons de l’ordre dans les signaux économiques en faveur du tri et du recyclage.

Comme vous le savez, nous atteindrons les objectifs que le Président de la République nous a fixés sur la division par deux de la mise en décharge uniquement si le recyclage coûte moins cher que l’élimination. Et c’est ce que la nouvelle trajectoire de TGAP (qui augmentera à partir de 2021) va permettre de concrétiser. Sans cette évolution ambitieuse de la fiscalité des déchets, nos objectifs resteraient incantatoires et vous savez que ce n’est pas la méthode de ce gouvernement. Aujourd’hui enfouir coûte 40 % de moins que recycler.

Permettez-moi d’insister sur la méthode car c’est essentiel de susciter de la confiance dans les réformes. Depuis le début du lancement de la feuille de route de l’économie circulaire, nous avons été transparents : le statu quo fiscal n’est pas tenable pour atteindre notre objectif. Le but n’est pas d’accroître la pression fiscale mais dans changer les équilibres en faveur du recyclage.

Pour réussir, pour rendre le recyclage économiquement attractif, nous avions besoin de construire une proposition sérieuse. Dès l’automne dernier, dans le sillage de la FREC, nous avons engagé des discussions avec des élus, des associations, des collectivités. Notre fil directeur, c’était de construire, un équilibre global, c’est-à-dire, de donner les moyens et le temps à chacun de s’adapter et de s’engager dans cette nouvelle dynamique.

Alors, très concrètement, que mettons-nous en œuvre ?

  • Une révision de la TGAP appliquée dès 2021, pour que les choses deviennent très claires : tous ceux qui choisiront d’enfouir ou de bruler leurs déchets en France le payeront très cher.
  • Un ensemble de coup de pouce fiscaux, pour donner aux collectivités, les moyens de ne pas subir ce nouveau régime mais d’en être les fers de lance en devenant des champions et des exemples de la prévention des déchets, de leur tri et bien entendu leur recyclage.

Comment ?

  • Les opérations de prévention, de tri et de valorisation des déchets verront leur TVA réduite à 5,5%.
  • Surtout, et j’insiste, parce que notre ambition, elle est là : il est indispensable que nous réduisions la masse de ce que nous jetons. Nous allons donc vous donner les moyens de mettre les poubelles des Français au régime.

Nous vous accompagnerons donc dans le déploiement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères incitative (TEOMi), en réduisant de 8% à 3% la part des frais de gestion que perçoit l’État pour une durée de 5 ans.

Et je veux vous dire que nous savons depuis 2015 déjà, que cette mesure, une fois appliquée, peut nous permettre de :

  • Diminuer d’au moins 6% la production globale de déchets ménagers et assimilés d’ici 2025, avec surtout, une baisse de près de 14% des ordures ménagères résiduelles.

Là, très concrètement, je pense que vous le percevez avec ces chiffres, nous choisissons une trajectoire ambitieuse et nous nous donnons les moyens de réduction de nos déchets mis en décharge, objectif présidentiel, qui traduit je vous le rappelle la volonté des Français.

Le gouvernement remettra chaque année à partir de 2022 un rapport au Parlement, sur l’évolution des charges des collectivités relatives à la mise en œuvre de la FREC (en prenant en compte l’ensemble des mesures, fiscales et non-fiscales). En conséquence, en cas de hausse, il  ajustera les moyens affectés par l’État au soutien à des projets en faveur de l’économie circulaire.

Nous prendrons en compte aussi l’intérêt de valoriser énergétiquement, dans les installations d’incinération les plus performantes, les déchets issus de refus de tri.

Parallèlement, de nouvelles filières REP vont être mises en places d’ici 2020, pour donner encore plus d’ampleur à la dynamique du réemploi dans notre pays.
Et en augmentant le nombre de ces filières, nous allons continuer d’associer les producteurs à la gestion de leurs produits tout au long de leur cycle de vie. C’est essentiel, parce que je suis convaincue qu’en faisant face à la complexité de recyclage et l’impossibilité de réemploi de certaines matières, je pense au plastique, les producteurs réaliseront la nécessité d’imaginer de nouveaux, et plus sains, procédés industriels. Et donc, de réduire la part des déchets non recyclables en circuit.

Il s’agira aussi d’engager les éco-organismes dans une gouvernance plus centrée sur l’atteinte d’objectifs, grâce à de sanctions en cas de non-respect. Ces objectifs seront actés dans le cadre d’une prochaine loi reprenant nos grands objectifs de la FREC et renforçant encore nos initiatives en matière de lutte contre les plastiques.

Au-delà, nous avons engagé le déploiement d’une stratégie exigeante bonus-malus appliqué au prix des produits. Notre système d’éco modulation est pensé de sorte que les producteurs qui ne prendront pas au sérieux notre exigence de responsabilité, de recyclabilité, verront le prix de leurs produits augmenter de près de 10 %. Croyez-moi, quand on touche au portefeuille, les choses changent !

Aujourd’hui, nous avons construit des outils qui doivent vous permettre d’être tous au niveau d’exigence porté par la France. Je vais être honnête avec vous, à l’international nous avons du poids dans les négociations, parce que sur les enjeux climatiques, de biodiversité également, de lutte contre les produits chimiques nous ne lâchons rien et surtout nous portons des ambitions bien souvent plus hautes que nos partenaires.

La détermination qui me guide dans l’ensemble des sommets auxquels je participe, elle est stimulée, renforcé par les exploits que je vois certains d’entre vous réaliser sur leur territoire. Il y a des municipalités exemplaires. J’ai envie de dire déjà exemplaire !

Et il y en a d’autres, qui pensent qu’au 21ème siècle, il est envisageable de faire transiter des déchets par bateaux, par trains, d’un endroit à un autre, avec comme terre d’asile, un trou plus grand.

Laissez-moi vous dire que tout autant que nous soyons, parce que nous partageons l’amour de notre pays, preuve nous le servons les uns et les autres à notre manière, nous ne pouvons plus fermer les yeux et accepter ces manières qui ont eu cours, mais qui doivent devenir de mauvais souvenir.

Je porte la voix, d’un gouvernement, qui défend une certaine idée de la France : une France qui en matière d’environnement refuse les renoncements.

Je porte l’action, d’un gouvernement, qui met en œuvre sans faillir une transition écologique et solidaire. Nous vous demandons de vous dépasser certes, mais nous vous en donnons les moyens.

 Je compte donc sur vous, pour faire des territoires de France, des relais ambitieux, de cette politique environnementale, qui rend fiers les Français.

Je vous remercie. »

 

 

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