Examen du projet de loi d’orientation des mobilités en Commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire de l’Assemblée nationale - Intervention d’Elisabeth BORNE

Le Mardi 14 mai 2019

Seul le prononcé fait foi
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Madame la Présidente,
Mesdames et messieurs les rapporteurs,
Mesdames et messieurs les députés,

Je suis ravie d’être avec vous aujourd’hui pour débattre de ce projet de loi tant attendu et qui, au vu du nombre d’amendements déposés, suscite beaucoup d’attente.

Le projet de loi qui est ici présenté est la traduction d’un engagement fort du Président de la République, qui dès la campagne présidentielle, avait souhaité que nous repensions en profondeur notre politique de mobilité, plus de trente ans après la LOTI.

Les Assises nationales de la mobilité, fin 2017, ont permis de confirmer le constat majeur et préoccupant, que les Français nous ont rappelé avec beaucoup de force ces derniers mois et que vous faites dans chacune de vos circonscriptions.

Ce constat, c’est le sentiment d’injustice d’être dans un pays qui avance à 2 vitesses : un pays où pendant qu’on a fait des TGV pour les métropoles, le reste des réseaux se dégrade faute d’entretien et les trajets se rallongent ; un pays où les emplois sont aspirés dans les métropoles, pendant que les Français sont rejetés toujours plus loin pour se loger ; un pays où les trajets domicile-travail sont devenus une vraie galère pour beaucoup de Français, qui n’ont souvent pas d’autre choix que la voiture individuelle. Or cela coûte cher, et cela exclut beaucoup de nos concitoyens.

Ce projet de loi porte donc une priorité claire : s’occuper d’abord des transports du quotidien, en apportant des réponses à tous et partout. Il entend ainsi être un des piliers de la réponse du Gouvernement  aux fractures qui minent le pays.

Pour relever ce défi, ce n’est pas l’Etat seul, et encore moins depuis Paris, qui sait le mieux quelles sont les réalités des besoins et comment y répondre.

Ma vision, c’est que le rôle de l’Etat est de fixer le cap, de faciliter et d’accompagner, mais ce sont bien les territoires qui doivent faire vivre les solutions proposées par ce texte et adaptées à leur situation. C’est d’ailleurs une des leçons du Grand débat, une demande profonde de plus de proximité dans l’action publique.

C’est la raison pour laquelle la méthode qui a prévalu pour l’élaboration de ce projet de loi est celle de la concertation.

Ce projet est le fruit d’un dialogue avec les collectivités, les associations, les entreprises pour apporter des solutions concrètes et efficaces pour nos concitoyens. Ce dialogue, engagé lors des Assises, n’a eu de cesse de se poursuivre à chaque étape de la construction du texte. Vous y avez pris toute votre part et je veux vous remercier collectivement car vous êtes pleinement engagés : au sein de la commission, au sein des groupes politiques, dans vos circonscriptions et durant les Assises de la mobilité.

Le texte sorti du Sénat, bien qu’ayant doublé en nombre d’articles, respecte les grands équilibres que nous avions voulus. Et je voudrais souligner le travail constructif qui a été fait avec le rapporteur et l’esprit de responsabilité qui a animé le Sénat sur les points principaux du texte.

La seule exception étant le déplacement du titre de programmation en tête de ce texte. Je regrette ce choix. Ce n’est pas une coquetterie d’auteur mais  je considère que cette première place revient aux collectivités, qui seront, demain, les plus à même d’apporter les solutions concrètes que nos concitoyens attendent. Par ailleurs, pendant trop longtemps, les infrastructures ont été considérées comme l’alpha et l’oméga de notre politique des transports.

J’ai bien compris que le Sénat et le rapporteur en faisaient une ligne rouge. Aussi, dans le même esprit constructif vis-à-vis du Sénat, je ne vous propose pas de redéplacer ce titre. Je salue le choix de la commission d’examiner le texte dans son ordre d’origine.

Cet examen à l’Assemblée nationale va être l’occasion de conforter l’équilibre du texte et d’aboutir sur les chantiers qui sont restés ouverts. Nous aurons notamment l’occasion : de discuter de la proposition issue de la concertation sur la construction d’un cadre équilibré pour un déploiement facilité des applications de billettique multimodale ; de préciser l’habilitation de l’article 14 sur les expérimentations dans les zones peu denses ; de préciser les conditions de mise en place d’un transfert de contrats de travail dans le transport interurbain à la suite des concertations que nous avons eues sur le sujet.

D’autres chantiers sont toujours en discussion et trouveront une issue en séance. Je pense en particulier aux sujets en lien avec la sortie du grand débat tels que le forfait mobilité sur lequel des discussions sont en cours entre partenaires sociaux.

Par ailleurs, l’article 20 sur la protection des travailleurs des plateformes faisant appel à des travailleurs indépendants a été supprimé par le Sénat. Je pense que cet article est très important. La rédaction initiale mérite encore d’être améliorée et nous travaillons activement à une solution qui soit la plus équilibrée possible dans l’intérêt des usagers et des travailleurs, j’aurai l’occasion d’y revenir.

Comme nous avons deux semaines pour examiner ce texte en détail, je rappellerai juste à cet instant les grands axes du projet de loi construit autour des grands défis identifiés lors des Assises de la mobilité.

Tout d’abord, concernant le volet gouvernance, qui fait l’objet de beaucoup d’amendements.

Le Sénat a approuvé le dispositif élaboré et concerté avec les collectivités et leurs associations pour remédier à l’existence insupportable de zones blanches de la mobilité, en simplifiant l’exercice de la compétence mobilité par les collectivités, et notamment par les intercommunalités.  

L’objectif est de faciliter la prise de compétences, et il n’est pas question d’imposer des contraintes aux élus, d’enfermer de façon trop précise les compétences mais bien de laisser des marges de manœuvre aux collectivités pour s’adapter au contexte local.  Je crois qu’il faut leur faire confiance pour agir au mieux sur et pour leurs territoires.

La mise en place de contrats opérationnels de mobilité ou encore la création du comité des partenaires, pour associer les usagers et les employeurs à la définition des offres sont des outils précieux pour améliorer la coordination entre les acteurs et apporter les réponses les mieux adaptées aux besoins.

Par ailleurs, le projet de loi comporte des dispositions importantes pour la mobilité inclusive avec le plan d’action pour la mobilité solidaire et des mesures en faveur des personnes handicapées.

Deuxième défi, auquel ce projet de loi entend répondre, celui de l’innovation.

Il reste des points importants à préciser dans nos débats, notamment la mise en place d’un cadre équilibré pour le déploiement des systèmes de billettique multimodale, ou encore l’expérimentation dans les territoires ruraux. Sur ces deux sujets, nous aurons l’occasion d’en discuter ici dans les prochains jours.

Je pense également à la régulation des nouveaux services de mobilités en libre-service. L’option prise par le Sénat a permis d’expliciter que ces services occupent le domaine public et donc que son gestionnaire doit pouvoir décider la place qu’il leur alloue, après avis des autorités organisatrices de la mobilité. Je ne doute pas que les échanges que nous aurons contribueront à enrichir la proposition sur laquelle nous travaillons et qui devrait aboutir en séance. Enfin, il faut avancer sur le sujet de la protection des travailleurs des plateformes VTC, comme je l’ai mentionné précédemment.

Quant au volet consacré aux mobilités propres et actives, les plus de 900 amendements déposés, témoignent du vif intérêt suscité par ce titre, que ce soit sur les enjeux de verdissement des transports, incontournable pour atteindre nos objectifs climatiques et améliorer notre qualité de l’air, ou sur le renforcement de la place du vélo.

Je me réjouis que le vélo suscite un tel intérêt, et c’était déjà le cas au Sénat. Néanmoins, je tiens à rappeler que jamais un Gouvernement n’a autant fait pour le vélo. Bien sûr dans le projet de loi, que ce soit : l’identification des vélos pour lutter contre le vol ; l’obligation de place de vélo dans les gares ; la mise en place d’un forfait mobilité durable, avec un plafond relevé à 400€ par an ; la généralisation des sas vélo ; ou encore le savoir rouler.

Mais bien au-delà, l’engagement financier de l’Etat est sans précédent, que ce soit pour soutenir le déploiement des politiques de vélo par les collectivités, des infrastructures, via des appels à projets, des CEE ou encore la dotation de soutien à l’investissement local.

Le Sénat a introduit un certain nombre de dispositions supplémentaires, comme des obligations sur l’équipement de places de vélos dans les trains ou les cars.

Je voudrais que nous ayons tous en tête que ce n’est pas uniquement la loi qui permettra de soutenir le développement du vélo, mais bien la dynamique que nous avons su impulser avec le plan vélo.

Concernant la programmation des infrastructures, l’équilibre du texte initial n’a pas été remis en cause au Sénat. Nous avons donc une trajectoire réaliste et des priorités cohérentes, notamment l’importance de l’entretien des infrastructures et des transports du quotidien.

Je le rappelle, le choix et le calendrier des projets qui seront financés ont été concertés et sont cohérents. Je ne peux donc que vous mettre en garde contre la tentation d’ajouter tel ou tel projet dans la liste sans garder la cohérence des enveloppes globales.

Concernant le financement de cette programmation. Pour l’exercice 2019, l’Etat est bien au rendez-vous : malgré une situation conjoncturelle compliquée, le budget de l’AFITF a été voté en hausse de 10 % par rapport à 2018. Pour 2020 et les années suivantes, la question du financement reste en débat. Vous le savez, nous aurons à dégager 500 M€ supplémentaires par an par rapport à la trajectoire des finances publiques, soit 200 M€ de plus que cette année, à partir de l’an prochain. Plusieurs propositions sont sur la table, nous aurons ce débat mais, c’est bien dans la loi de finances que les dispositions devront être inscrites, comme pour toute loi de programmation.

Enfin, le dernier titre comporte des dispositions variées mais importantes. Sur les conséquences sociales de l’ouverture des bus à la concurrence sur le périmètre RATP et dans le transport inter urbain. Je vous proposerai également, conformément aux annonces du Premier ministre, de libéraliser, de façon progressive et adaptée, le marché des pièces détachées. C’est une mesure en faveur tant du pouvoir d’achat des consommateurs que de la compétitivité des équipementiers automobiles. Cet examen sera également l’occasion d’introduire les dispositions sur le permis de conduire, annoncées par le Premier Ministre et portées par Frédérique Dumas, auteure du rapport sur ce sujet. C’est aussi dans ce titre que de nombreuses dispositions permettront d’améliorer la compétitivité de nos ports et de notre filière maritime.  

Les débats à venir s’annoncent riches, et je n’en doute pas constructifs.

Je souhaite pour conclure, saluer et remercier les rapporteurs et la Présidente de commission pour leur esprit constructif, ainsi que tous ceux qui sont mobilisés pour améliorer ce texte.

Les ambitions sont grandes :
- réduire les fractures sociales et territoriales,
- faire entrer notre politique de mobilité dans la modernité,
- relever les défis climatiques,
- et préparer l’avenir.

Le rôle de l’Assemblée nationale et de votre commission sont essentiels pour atteindre ces objectifs.

Je vous remercie.
    

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Seul le prononcé fait foi

 

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